Je sais donc je suis

Je n’ai jamais pensé que de ne pas savoir était forcément un signe de non intelligence ou d’incompétence.
Je ne suis pas issue du milieu viticole et il m’a fallu tout apprendre: comment penser, se comporter et comment agir.
J’ai vite compris qu’il ne fallait pas ne pas savoir.
Pourtant je ne comprends pas comment on peut avancer en faisant illusion de tout savoir et en faisant illusion de n’avoir jamais aucun problème.
Le milieu viticole est un milieu où la tradition et le savoir ancestral sont omniprésents.
On échange principalement avec la génération d’hommes qui transmet.
La femme transmet peu ou seulement des fils qui transmettront à leur fils…

Les échanges de vignerons sont souvent des concours de « c’est moi qui ai la plus grande ». La femme en est naturellement exclue, car elle n’a pas « la chance » d’en avoir une… Personnellement, je suis heureuse et fière d’en être privé! J’arrive aisément à réfléchir sans ça.

J’ai pourtant bien souvent remarqué, après coup, qu’on avait tous les mêmes problèmes au même moment. Mais qu’un manque d’échange nous privait de ces informations. Alors, tant bien que mal, on essayait de faire face, seul au monde, aux problèmes qu’on croit être les seuls à avoir. Par malchance, négligence, incompétence etc…
On n’est jamais très fier d’avouer un échec, une erreur, une galère.
Pourtant, échanger serait la seule façon de pouvoir progresser plus vite. De s’informer, d’évoluer et de grandir

Bruno a eu la chance, ou la malchance, que je pose beaucoup de questions et que je remette en question pas mal de savoir qui lui avait été transmis.

Pas que je pensais qu’il faille tout remettre systématiquement en question, mais je voulais savoir et comprendre pourquoi vraiment on le faisait, quelles en étaient les raisons , si c’était vraiment indispensable et si l’on ne pouvait pas changer certaines choses.

Alors on a pas mal tatonné. Parce que Bruno voulait bien tout remettre en question. Mais moi je ne savais rien. Alors il a fallu expérimenté. Tout seul. J’ai posé beaucoup de questions . J’ai beaucoup lu. Pas pour copier ce qui se faisait. Mais pour comprendre des ressentis.

Mon seul regret aujourd’hui, c’est le manque d’échange des vignerons entre eux. Des échanges il y en a mais on aime dire que tout se passe bien, que la vie est belle, que le vin est bon et qu’il se vend bien et que les problèmes sont pour les mauvais vignerons. D’ailleurs souvent on parle des autres pour ne pas avoir à parler de soi. C’est plus confortable.

La différence entre un bon et un mauvais vigneron? Le bon vigneron, il cultive sa vigne et il essaie d’avoir des beaux raisins pour faire du bon vin et le mauvais vigneron, il cultive sa vigne et il essaie d’avoir des beaux raisins pour faire du bon vin. Tout cela est tellement subjectif…

Je pense sincèrement qu’entre femmes, tout cela serait différent. Mais des échanges entre femmes, il n’y en a que pour tenir son logiciel de compta, faire des DAE, remplir sa DRM en ligne… Bref ce genre de truc réservé bien souvent aux femmes … ou aux secrétaires, parce que ce n’est pas très épanouissant et que c’est un peu perdre son temps d’homme quand on peut se consacrer à autre chose de beaucoup plus glorifiant.

J’espère que les mentalités changeront, que les jeunes prendront conscience de tout ça.
Yohan, notre apprenti, s’interroge, avance, chamboule les idées reçues qu’on lui a transmis. Souvent il pose des questions, mais on lui répond par une autre. Parce qu’on n’a pas la science infuse et qu’on ne l’aura jamais.

C’est peut être ça finalement être vigneron: Faire croire que l’on sait tout sur rien  alors qu’on ne sait pas grand chose sur tout!

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