Aujourd'hui, tout ce qui n'est pas "conventionnel" doit être expliqué longuement au consommateur...Lorsqu'on travaille en bio, on doit sans cesse expliquer nos façons de faire, dresser une liste des produits que nous utilisons et de ceux que nous n'utilisons pas...Est-ce qu'on utilise des tracteurs et à quel fréquence?...et le cuivre?...etc...etc...Je peux dire que lorsqu'un client particulier ou professionnel vient à la cave, achète une bouteille de vin, il sait à peu près tout d'elle. Chaque parcelle, chaque cuvée, chaque bouteille est suivi de très près. Chaque intervention est notée sur notre cahier de bord au cas où il faille se justifier...
Pourtant, on ne nous a jamais expliqué les productions de produits conventionnels. Et maintenant, on veut TOUT savoir en ce qui concerne le BIO! Et tant mieux!
Il est vrai que l'on est nombreux à penser que ce n'est pas nous, en bio, qui devrions être contrôlé et avoir un label...Le label bio devrait être la norme...Mais là encore, c'est vouloir se battre à corps et coeurs perdus contre de grandes firmes chimiques et des lobbies très pesants sur le monde agricoles...qui sont arrivés à force de persévérance à faire croire que désherbants, insecticides, pesticides et engrais chimiques étaient indissociable d'une agriculture productive et qualitative et surtout rentable...

Aussi, l'autre jour j'ai été très très effrayée alors que j'assistais à une réunion technique Bio en Beaujolais...On nous apprenait que l'enherbement naturel était très mauvais et beaucoup trop concurenciel pour la vigne. Il fallait donc semer des espèces sélectionnées dès le passage en bio...En achetant des graines sélectionnées, d'espèces mêmes exotiques, on ne se pose même plus la question de la biodiversité locale. Chaque terroir, chaque région possède ses espèces propres et on nous propose d'uniformiser nos plantations...
Évidemment, lors d'un passage en bio, après des décennies de désherbant, les espèces qui poussent naturellement ne sont pas celles que l'on espérait. Mais ne reflètent-elles pas de la santé de notre sol??...
Des années plus tard, on se rend compte que la diversité des espèces est magnifique...Voilà un bon test gratuit pour se rendre compte, seul, de la vie qui revient dans nos parcelles...Si on implante des espèces de toutes sortes dès le passage en bio, on fait illusion, certes, mais est-ce le but recherché. Pas en bio, en tout cas...

D'autres part, on nous a proposé des nouveaux produits anti-pourritures...ANTI-POURRITURE!!! Depuis que nous sommes passé en bio, que nos rendements ont fortement baissé, que nos plantes se sont transformées grâce à un sol support de plus en plus complet, jamais, nous n'avons eu de pourriture sur nos raisins! Qu'est-ce qu'on ferait d'un produit antipourriture...Au cas où??? On crois rêver...
On veut essayer de transporter le monde conventionnel et ses problèmes dans le monde bio...Il faudra bien qu'ils se mettent dans la tête que ce sont 2 mondes différents avec des problèmes différents...
J'ai bien senti qu'on cherchait aussi à reporter la rentabilité du conventionnel dans le bio. C'est bien gentil de vouloir augmenter le nombre de vigneron bio mais il faudra qu'on deviennent un peu plus rentable...Parce qu'avec notre enherbement naturel, notre purin d'ortie fabriqué maison ( j'ai également appris que l'on pouvait s'alimenter en purin d'ortie auprès de quelqu'un qui le commercialise maintenant pour nous!), nos vieux tracteurs, et nos rendements ridicules, on n'intéresse ni les fabricants de produits ni les négociants en vin !
J'ai peur aujourd'hui qu'on se dirige vers un monde où il y aura une agriculture bio à 2 vitesses...
Affaire à suivre...