Je viens de lire le dernier billet de Lilian Bauchet et je veux, plus qu'un lien, reproduire ici son texte, parce qu'il m'a touché, ennervé, et bien plus que ça encore. Parce que ce n'est pas vrai...les mentalités ne changent pas...parce que ce n'est pas vrai, la vie du vigneron bio, n'est pas la vie d'un baba cool soixante-huitare qui vit dans un monde idyllique bercé par Bob Marley et groggy par ses pétards...parce que ce n'est pas vrai que l'on est aidé financièrement et moralement...La vérité c'est qu'on se fout de nous, qu'on nous prend pour des imbéciles qu'on n'est pas...et qu'on fait tout pour qu'on jette l'éponge...Les AOC n'ont rien à faire de la culture bio et que y en a marre des réflexions du genre " tes piquets...t'auraient pas du les mettre au pieds de tes ceps mais autour de ta vigne".........ça doit être drôle, mais ça, c'est de l'humour Monsento et lui, ça fait longtemps qu'ils ne nous fait plus marrer à la maison!

Voici son texte, tel quel:
"Jeudi, mes vignes ont été contrôlées par le CIBAS. Le CIBAS est un organisme indépendant, agréé par l'INAO et mandaté par les ODG du Beaujolais pour contrôler l'adéquation des pratiques des viticulteurs aux règles de production des AOC.
L'ODG, c'est l'Organisme de Défense et de Gestion de l'AOC. Composés de professionnels de la filière, ils ont été créés après la réforme de l'INAO en 2007. L'INAO souhaitait à travers la création de ces structures redonner aux viticulteurs eux-mêmes la responsabilité du contrôle du respect des règles de l'appellation. Un contrôle par ses pairs, un "auto-contrôle de la profession" en quelque sorte. Si ce n'est que les ODG de notre région, en concertation avec l'INAO ont finalement décidé de transférer cette mission de contrôle au CIBAS, organisme qui existait antérieurement à la réforme et sur lequel s'appuyait déjà l'INAO pour réaliser ces contrôles...
Dans le Beaujolais, deux ODG ont été créés. Un pour les vins se revendiquant des appellations Beaujolais et Beaujolais-Village, un second regroupant les dix crus. Chaque ODG a constitué un plan d'inspection sur lequel le CIBAS s'appuie pour réaliser ces contrôles. L'inspection des vignes porte notamment sur la conformité de la taille aux règles de l'appellation, le respect des rendements autorisés à l'hectare, la densité de plantation et last but not least, l'entretien des sols...
Je n'avais pas été prévenu de la visite du CIBAS. "Visite inopinée", que la "législation" autorise. Le principe est sur le fond plutôt bon. On fixe des règles qui définissent le cadre de l'appellation. Il faut bien s'assurer que ces règles sont respectées par ceux qui la revendiquent.

J'étais en train de passer la débroussailleuse dans la parcelle qui se trouve devant la propriété quand j'ai aperçu quelqu'un dans mon clos. Il m'arrive de voir des gens se balader dans mes vignes mais dans le clos j'ai quand même trouvé ça étrange. Je me suis donc porté à la rencontre de ce "promeneur". Il m'informa qu'il travaillait donc pour le CIBAS et qu'il était chargé de contrôler l'état de mes vignes. Le clos est à ce jour la vigne où il me reste encore le plus de travail de désherbage. C'est la parcelle la plus proche de chez moi, planquée derrière ces murs. C'est la raison pour laquelle je la gardais pour la fin de mon travail de désherbage; je peux m'y rendre facilement à mes heures perdues.
Après une semaine de rotofil, mes autres parcelles sont à ce jour tout à fait présentables (c'est ce que je pense en tout cas!) et je vais pouvoir enfin m'occuper du clos. Malheureusement, lors de la visite, il y avait encore pas mal d'érigérons dans les rangs. Rien à voir avec la végétation du printemps mais quand même suffisamment de quoi susciter un sentiment "d'indignation" chez les viticulteurs conventionnels les plus zélés ...

Le gars était jeune viticulteur sur une commune voisine. Je l'informais que j'étais en bio (il ne le savait pas), que sans les herbicides c'était parfois compliqué de lutter contre l'herbe... Le CIBAS a le pouvoir de déclasser vos vignes s'il ne les juge pas conforme au cahier des charges de l'appellation. Les vins produits doivent être alors commercialisés en vin de table. Je tenais cette info de certains viticulteurs bios du Beaujolais , dont les parcelles avaient été déclassées parce qu'on avait jugé que trop de mauvaises herbes y poussaient. J'essayais de mesurer la capacité de tolérance de mon contrôleur en la matière. J'avais le tee-shirt trempé de sueur par quelques heures de rotofil sous un soleil de plomb. J'avais bon espoir qu'il compatisse....
Il me dit alors que l'herbe, il regardait, mais pas plus que ça, que ce qui l'intéressait, c'était de vérifier les maladies, les rendements, la taille. Que le mot d'ordre au CIBAS c'était d'être plus "tolérant" par rapport à l'herbe. A moitié rassuré par cette bonne nouvelle, je l'invitais toutefois à venir faire un tour dans les autres vignes qui jouxtent la propriété pour qu'il puisse juger de l'efficacité de mon travail de "débroussaillage". Il me répondit qu'il avait juste deux parcelles à contrôler dans le secteur. Mon clos et une petite parcelle au bout de la rue. Il se trouve que cette parcelle m'appartient également...
J'avais demandé à un collègue bio comment le CIBAS procédait aux contrôles des vignes. Cet organisme n'est pas bien sûr en capacité de contrôler l'intégralité du vignoble du Beaujolais. Alors, sur quel critère objectif se basait il pour choisir les vignes à contrôler ? "Sur recommandation" me répondit il laconiquement... A moins que le récit de mes aventures de néovigneron dans les vignes sur ce blog ait intéressé à ce point les gens du CIBAS qu'ils se décident à venir y jeter un œil de plus près !
Le soir-même je me retrouvais avec quelques bios du Beaujolais. L'un d'entre eux nous informa qu'il venait de recevoir suite à un contrôle inopiné du CIBAS une notification de déclassement d'une de ces parcelles pour mauvais entretien du sol ! La "tolérance" du CIBAS en la matière avait donc des limites... Il faut reconnaître que cette notification de déclassement n'était pas définitive. Le viticulteur peut effectuer les travaux d'entretien du sol attendus et solliciter un nouveau contrôle du CIBAS avant les vendanges afin de retrouver ainsi le droit à l'appellation si le CIBAS juge la parcelle à nouveau conforme à ses critères d'éligibilité. Mais les frais engendrés par ce deuxième contrôle sont à la charge du viticulteur et notre collègue refuse d'avoir à supporter quelque frais que ce soit dans la mesure où il estime que l'état de ses vignes n'enfreint pas les règles de l'appellation.

Quoiqu'il en soit, je ne comprends pas, qu'en 2010, on en soit encore à refuser le droit à l'appellation à un viticulteur au motif qu'il y a de l'herbe dans ces vignes. Qui aujourd'hui respecte le mieux son sol ? Qui réellement l'"entretient" ? Celui qui refuse l'emploi des herbicides et laisse la vie se remettre en mouvement dans ces sols, avec le risque de se faire déborder par une végétation luxuriante, ou celui qui créé le désert autour de ces ceps à l'aide de produits dont on sait désormais qu'ils polluent notre ressource la plus précieuse, l'eau des nappes phréatiques ? Si les choses évoluent, que nombre de viticulteurs conventionnels prennent conscience du danger des herbicides et en "raisonnent" l'usage ou se remettent à travailler les sols, il reste parmi eux des inconditionnels de produits chimiques, dont le sol des vignes à la vieille des vendanges présente un aspect lunaire. C'est ceux là que le CIBAS devrait sanctionner. Ceux aux sols exsangues et où je me demande, à chaque fois que je les vois, comment des ceps de vignes peuvent encore y pousser, non ceux dont les sols "fouillis" ne traduisent rien d'autre que le retour de la vie dans les sols. Et j'ajouterai non par provocation mais pour être exhaustif, qu'il en est de même dans les pratiques vinicoles. Qui peut le mieux se prévaloir de cette notion de terroir, ce socle sur laquelle se sont fondées les AOC ? Celui qui pratique une viticulture favorable au développement des levures indigènes du raisin nécessaires à la transformation du vin, où celui qui utilise des pesticides dont on connait maintenant l'effet limitant sur ces populations levuriennes, imposant l'usage de levures exogènes du marché uniformisant le goût du vin ?
L'INAO sait cela. Mais plutôt que de revenir aux fondamentaux, elle a préféré se débarasser de la patate chaude auprès des professionnels de la filière viticole en demandant la constitution des ODG. Et avec moins de 4% de surface en bio ou en conversion au niveau national, il va falloir encore du temps pour que la profession change ses critères de conformité aux règles des appellations. Règles dont les grandes lignes avaient pourtant été édictées dans les années 30, à un moment où la chimie n'avait pas encore fait son apparition dans les vignes et était peu utilisée dans les chais.
Les vignerons qui ont osé les premiers sortir des chemins battus se sont vus dans l'obligation de produire des vins de table. Ces vins rencontrent aujourd'hui un succès grandissant auprès des amateurs et ce n'est que justice. A tel point que si aujourd'hui tu ne produis pas des vins de table, tu es presque considéré par certains comme un has been... Je trouve cela dommage. Je m'émerveille de ces différences subtiles mais perceptibles entre mes Beaujolais-village et mes Fleurie 2009. Des vignes situées à moins d'un kilomètre à vol d'oiseau, conduites de la même façon, vinifiées en levures indigènes et sur le même mode opératoire. Mais au final deux vins différents et surtout typés selon leurs appellations, à ce que j'ai pu en juger à la dégustation des vins du millésime de pas mal de bios du Beaujolais. C'est cela le miracle des appellations définies par les anciens. C'est cela que les viticulteurs et leurs instances dirigeantes doivent défendre aujourd'hui, pour que les consommateurs retrouvent dans les vins la typicité à l'origine de la diversité de nos appellations.
J'espère en tout cas que ce contrôle du CIBAS sera sans conséquence. Nous verrons...."

Merci Lilian de nous avoir raconté cette belle histoire. On a vécu la même en 2008 (cf les archives septembre 2008)...Mais on ne s'habitue pas, et non...