Dis moi quelle est ton herbe et je te dirai comment va ton sol

L’autre jour, j’ai répondu à une interview concernant l’enherbement. Et quand on me pose des questions, je m’en pose ensuite moi même! J’aurai d’ailleurs passé ma vie à me poser des questions et à chercher des réponses. Je ne sais malheureusement pas tout expliquer. Mais on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir essayer.

Sur le Domaine, on n’a pas un enherbement maîtrisé. C’est plutôt l’herbe qui nous maîtrise.
Faut juste assumer et se dire qu’on ne pourra pas faire parfaitement.

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Et c’est un peu se fiche de la figure du mec en face de toi que de lui affirmer que tu maîtrises ton herbe, ta vie, tes enfants, ton chien, ta femme, la pluie et le beau temps.

Nous, on arrive à gérer quand le temps est sec et que ça ne pousse pas trop.
Quand le temps est humide et que ça pousse à ne plus savoir pourquoi ça pousse comme ça, on est un peu obligé de s’adapter et de se dire qu’un peu d’herbe, ça peut pas faire de mal.
De toute façon, je ne veux pas trouver d’excuse, parce que l’herbe, si ce n’est pas encore entré dans la convention collective paysanne, c’est plutôt une bonne chose pour la terre, surtout quand les espèces sont diversifiées.
Tient, écoutes là, elle va nous expliquer maintenant que l’herbe c’est bon pour la vigne!

Quand on a arrêté de désherber, il y a 18 ans maintenant, on a été envahis par les plantes résistantes aux désherbants, celles qui sont moches et que l’on déteste: les érigerons qui s’érigent par dessus les ceps, et les amarantes qui vous piquent et vous griffent les mollets. On aurait pu semer quelques essences pour faire plus joli mais on s’est dit que l’on verrait que nos sols seraient un peu purifiés quand d’autres plantes et herbes voudraient bien pousser. Il a fallu attendre quelques années. Et d’autres plantes sont enfin arrivées. Pas par hasard. Mais parce qu’elles avaient un travail à effectuer sur nos sols.

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« Heureusement, la nature met en place des espèces nécessaires au rééquilibrage des sols ». C’est Gérard Ducerf qui le dit. J’ai d’abord cru qu’il lisait dans mes pensées! Parce que je ne le connaissais pas (et je remercie Sonia de m’en avoir parlé) . Quand j’ai lu son travail, je me suis dit que j’étais d’accord, mais c’est bien sûr… et que du coup je ne me sentais moins idiote de penser ce que je pensais! On était déjà 2 et c’est déjà beaucoup!

Parce que c’est une évidence que les plantes reflètent la vie du sol. Et que la biodiversité témoigne d’un sol équilibré. La prédominance de telle espèce, même si c’est parfois plutôt joli, n’est pas un bon signe. Cela reflète une carence ou un excès mais pas l’équilibre.
Par exemple, l’ortie pousse pour combattre l’humidité, le chardon et la luzerne pour débloquer le phosphore. Il est donc incohérent d’enlever ces plantes là ou d’en mettre d’autres, à la place, plus jolis, mais surement inutiles ou pas adaptées.

Alors évidemment, ce n’est pas facile de changer une équipe qui ne gagne plus forcément. L’herbe a été décrété l’ennemi public numéro 1 de l’agriculture pendant des décennies. On lui met sur le dos les baisses de rendements et les difficultés de vinification des vignerons bio qui ont un peu ou beaucoup d’herbe.
Ce n’est pas l’herbe ou la culture bio qui sont responsables de tout ça. Mais les années de chimie.
On a déséquilibré les sols.
Evidemment, aujourd’hui, on sait produire avec un sol mort.
Quand tout à coup, on arrête la chimie, on se rend compte qu’il n’a plus rien à donner. On ne s’en était pas rendu compte parce qu’on le dopait.

Alors on accuse certains bios ne ne pas savoir s’y prendre. De pas assez enlever l’herbe. Evidemment on a encore dans la tête le modèle de la vigne qui produisait en abondance sans l’herbe. Et  on se dit que c’est parce qu’il n’y avait pas d’herbe qu’elle produisait beaucoup.
Mais non.
C’était à grand coup d’engrais chimique et autres poudres de perlimpinpin qui n’ont de jolis que le nom.

On a mis dans la tête des gens que l’herbe verte c’était moche. Et on lui a déclaré la guerre, sans se soucier des conséquences.

Ici, à Vauxrenard, nos vignes sont plantées sur des sables. Des sols plutôt pauvres. Mais c’est aussi ce qui fait la race de nos vins.
On ne peut pas tout avoir.
C’est l’jeu ma pov’ Lucette.

Alors aujourd’hui, on travaille pour rééquilibrer nos sols. Avec des plantes. Et je veux faire mes tisanes et mes purins avec les plantes qui poussent dans nos vignes, comme les pissenlits.

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Nos vignes ont une biodiversité importante aujourd’hui. On y trouve des dizaines d’espèces différentes. Certaines que l’on connait, d’autres pas. Nos sols ont changé. Mais les conséquences de la chimie sont toujours présentes je pense, même après 18 ans. On ne rééquilibre pas un sol comme ça, en quelques années.  Il ne suffit pas de 3 ans de conversion pour remettre tout à niveau. Ce serait trop simple. Nous l’avons compris depuis belle lurette.

Il est nécessaire de comprendre son sol pour comprendre ses raisins.

Ce millésime 2016 commence un peu difficilement. Grêle sur les blancs et gel sur les beaujolais villages. On croise les doigts, on serre les fesses, on implore le Dieu de la vigne et les autres, et puis on verra bien.

 

 

4 Commentaires

  1. Génial!!!!
    Ca fait du bien de lire quelqu’un qui partage un point de vue plus que défendable.
    J’ai a peu près la même vision de l’intérêt de l’herbe pour « ressusciter » les sols, même si pour cette année je suis plus que débordé par celle-ci…
    Comment se comporte la vigne après la grêle et le gel chez vous?
    Ici, il ne fait pas assez chaud et la vigne a du mal à « ressortir » après les gelée de la fin avril.
    Bon courage pour la suite et à bientôt peut-être.

    FRED

    1. Bonjour et merci de votre commentaire! Ici aussi, la vigne a du mal à se lancer, il fait trop frais. On constate les dégâts au fur et à mesure que ça pousse, quand ça ne pousse pas justement… Bon courage également pour la suite, bien à vous, isabelle

  2. In vino véritas (Jean Pierre Carraro), pour Olivier Santini

    Il est dans mon petit village
    Un bon vigneron sympathique.
    Il cultive ses vieux cépages,
    Le résultat est magnifique.

    Ses vignes sont sur la colline,
    Elles se dorent au soleil,
    Le raisin mur nous illumine
    De sa jolie teinte vermeil.

    J’ai bu de son divin breuvage,
    Généreux, aux parfums antiques.
    D’une autre époque, d’un autre âge,
    Ce doux nectar est mirifique.

    D’une texture naturelle,
    Son caractère est bénéfique,
    Pour que sa robe soit si belle,
    Sa terre doit être authentique.

    Venez voir la vigne au printemps!
    Herbes fleuries et papillons
    Se moquent bien du désherbant,
    Qui pollue tout sans distinction.

    Ce vin là me rend amoureux
    Des jolies grappes de sa vigne,
    Je pense à ces jours bienheureux,
    Sans tous ces traitements indignes.

    Je ne veux plus mouiller ma langue
    Dans ces vinasses insipides.
    Ils laisseraient Bacchus exsangue,
    Ces jus gorgés de pesticides.

    Je veux que mon sang soit nourri
    Aux mamelles de cette terre,
    Qui me font réjouir l’esprit
    Et oublier le cimetière.

    Venez jouir de ce mystère,
    Ne boudez pas ce bon plaisir,
    Il n’est ni vain, ni éphémère
    Et comblera tous vos désirs.

    Amis, goûtons cette merveille,
    Dégustons sans plus discourir,
    Divin est le jus de la treille,
    Qui enfanta cet élixir.

  3. Ton article est tres complet et tres bien illustre !! Pour ma part, je nourris mon sol avec du compost + engrais vert mais je mets egalement en place une rotation des cultures afin d eviter que d une annee sur l autre des fruits ou legumes d une meme famille ne se suivent ; ce qui selon moi permets au sol de ne pas trop s appauvrir et le rend dispose a accueillir une autre famille de fruits ou legumes l annee d apres.

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